Auteur: Sabine Geldof —
La crise de l’accueil, tout le monde y est confronté d’une manière ou d’une autre, à Bruxelles, en Belgique, mais elle fait rage dans toute l’Europe. Mais de quoi s’agit-il ? Que se passe-t-il réellement ? Qui apporte quelles solutions ? Au cours de cette veillée, nous avons recueilli des témoignages et des experts nous ont expliqué les faits et le contexte.
La crise de l’accueil au niveau national
Thomas Willekens
Chargé de mission Vluchtelingenwerk Vlaanderen
Intention vs réalité
Les idées -cléfs de l’accord de coalition concernant les demandes d’asile sont les suivantes :
- une procédure correcte doit être appliquée
un accueil de qualité doit être offert aux demandeurs d’asile.
Cependant, la réalité est très différente.
Thomas retrace la chronologie, depuis les premiers signaux d’alarme, la dégradation progressive de la situation, jusqu’à la condamnation de Fedasil et de l’État belge et les mesures prises pour y remédier.
La condamnation est claire : il y a suffisamment de preuves que des personnes sont empêchées de demander l’asile.
L’État belge est tenu de fournir un hébergement aux personnes souhaitant demander l’asile. Par manque de capacité, toutes les personnes qui veulent demander l’asile ne peuvent pas être hébergées et le critère pour déterminer qui est considéré comme un groupe cible « vulnérable » devient chaque fois plus strict, et de plus en plus de demandeurs d’asile sont laissés dans le froid, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas exercer leur droit de demander l’asile et d’être hébergés dignement pendant l’attente.
Par exemple, lorsque le réseau de foyers pour jeunes est saturé, la limite d’âge est abaissée, les jeunes doivent prouver qu’ils n’ont pas encore 16 ans pour être éligibles, ils reçoivent un certificat leur indiquant qu’ils doivent demander une vérification de l’âge, que le service de « tutelle » ne veut pas effectuer pour des raisons contraires à l’éthique. Ces jeunes sont donc dans une impasse.
Ensuite, les jeunes de 16 à 18 ans, les mères célibataires et les couples sans enfants sont également considérés comme « non vulnérables ».
Lorsque le gouvernement fédéral ne remplit pas sa mission, la société civile et les bénévoles tentent de trouver des solutions (par exemple, des tentes en carton), qui sont à leur tour qualifiées de contraires à l’éthique par le gouvernement local (maire), « nettoyées » et renvoyées à un autre niveau politique.
Pourtant, les politiciens continuent à se consulter et à chercher des solutions. Entre les lignes de l’accord sur la migration (mars 2023), on peut lire « nous n’avons pas encore de solution à court terme, mais à long terme, tout ira bien ».
Causes et conséquences de cette crise
Pas
- le nombre élevé de demandes d’asile (voir également l’arrêt de la Cour : « cette fluctuation est prévisible, il faut s’y préparer »)
- les demandeurs d’asile qui poursuivent leur voyage : ils ont également le droit d’être accueillis jusqu’au moment du transfert vers le pays de destination finale
- ils ont également le droit de prendre d’autres mesures après un avis négatif.
Bien
- yo-yo politique
- la durée de la procédure (délai moyen de traitement : 350 jours, parfois 2 ans d’attente pour un deuxième entretien)
- manque de coopération politique : Fedasil est obligé de travailler en mode crise depuis un an déjà – ce qui pourrait être évité par des solutions attrape-tout efficaces.
Des places supplémentaires sont créées et des ressources supplémentaires sont déployées, mais elles sont toujours inférieures aux propositions et insuffisantes par rapport aux besoins. De plus, il n’y a pas de véritable répartition sur le territoire ; les 1250 initiatives locales proposées dépendent de la bonne volonté des CPAS et des gouvernements locaux.
Conséquences:
- en vue des élections de 2024, il est important de présenter une image positive de la migration : le gouvernement pourrait démontrer qu’il est possible de mettre en œuvre de bonnes politiques
- la société civile est plus unie que jamais.
La crise de l’accueil au niveau Européen
Cecile Vanderstappen
Chargée de recherche CNCD-11.11.11
Quelle est la politique d’accueil de l’Europe ?
Une explication de l’évolution des politiques d’accueil en Europe éclaire les fondements des politiques d’accueil actuelles.
Jusqu’en 1970, les migrations étaient fluides, les personnes avaient différentes options pour migrer vers un autre pays, il y avait moins de contrôle.
Avec l’introduction de l’espace Schengen (1995), l’idée est apparue que les frontières extérieures de l’Europe devaient être protégées et contrôlées (au profit de la libre circulation dans les pays de l’espace Schengen) et Frontex, l’agence européenne qui surveille les frontières extérieures, s’est donc mise en place. Entre-temps, cette agence s’est transformée en une agence militaire dotée de budgets colossaux (certainement par rapport au budget consacré à l’asile ou à l’intégration) qui, désormais, capture et analyse également de nombreuses données (personnelles) en fonction des analyses de risque, et agit également bien au-delà des frontières de l’Europe, au plus près des pays d’origine.
La guerre en Syrie (2015) a fait comprendre qu’il est de plus en plus difficile d’arrêter les gens aux frontières extérieures de l’Europe. Les populations incitent les pays d’origine à rendre plus difficile le départ de leurs habitants. Plus précisément, cette politique d’externalisation consiste à empêcher la migration par des flux d’argent et des accords (« accords-marchands »).
L’accord de Dublin (Dublin III en vigueur depuis 2014), qui détermine quel pays est responsable du traitement des demandes d’asile, a pour effet de créer des goulets d’étranglement (‘hotspots’) dans les pays où les migrants arrivent en premier (par exemple, la Grèce et l’Italie). Pour réduire ces goulets d’étranglement, les autres pays peuvent examiner les demandes d’asile qui y sont déposées et isoler celles qui contiennent le plus de chances d’obtenir l’asile. Cela implique la détention (des demandeurs), le triage et éventuellement l’expulsion lorsque la probabilité de réussite de la demande est jugée faible. Il ne s’agit donc pas d’une application légitime du droit d’asile.
Cette évolution vers une volonté d’accueil de moins en moins grande et une violation de plus en plus grande des droits de l’homme est également approuvée par le pacte européen sur les migrations (2020) :
- externalisation
- contrôle aux frontières
- contrôle dans le pays d’arrivée
- solidarité flexible (vs solidarité imposée)
En lisant l’analyse complète du pacte, on peut légitimement se demander s’il correspond aux valeurs chères à l’Union européenne.
Cependant,
- Non, nous n’accueillons pas toute la misère du monde: les chiffres montrent que l’Europe n’accueille qu’une infime partie des 100 millions de personnes en fuite, et que d’autres pays voisins en accueillent beaucoup plus, en tenant compte également de leur propre PNB.
- L’exemple de l’accueil des réfugiés ukrainiens est un bon exemple d’accueil :
- dispersion sur le territoire
- intégration par l’autonomisation – le migrant a la possibilité d’être éduqué, de travailler – contrairement aux migrants d’autres pays qui restent passifs, doivent attendre une décision (sans fin)
Quelle serait la base d’un politique d’accueil positive?
- le respect du droit international pour demander l’asile
- l’évaluation de la demande d’asile sur la base du récit personnel (et non du pays d’origine)
- la suppression de l’examen dans le pays d’arrivée, qui n’offre aucune possibilité de contester une décision
- cohérence de la politique européenne
- répartition imposée sur le territoire
- pas de politiques qui provoquent des flux migratoires dans d’autres régions également : par exemple, l’épuisement des stocks de poissons africains, l’occupation de terres agricoles outre-mer en fonction de la mobilité verte (biocarburant)
- permettre des voies légales de migration (par exemple via le permis unique) qui font mieux correspondre le besoin de certains types de travail avec le désir de migrer
Ces deux derniers points sont indissociables et ne peuvent être suffisamment soulignés.
Comment les citoyens peuvent-ils contribuer à un accueil plus humain?
Riet Dhondt
co-fondatrice de Amitié sans frontières
De nouvelles formes de solidarité émergent de la réalité du terrain, suite aux mesures (prises par les autorités)
actions concrètes :
- depuis le 10/8/2015, un petit déjeuner est offert tous les matins à l’office des étrangers – Pacheco
- préparation de 1 200 kits d’hygiène pour les personnes sans abri
- visite de camps de réfugiés au Liban (un pays dont la population représente la moitié de celle de la Belgique et qui accueille 2 millions de réfugiés !) et en Guynée (un pays très riche en ressources et qui connaît pourtant une forte migration)
- nettoyage des toilettes de l’immeuble de la rue des Palais avec des parlementaires.
à venir:
- 15/4 : Repas du Ramadan dans un centre d’accueil
- 24/6 : Journée internationale des réfugiés : formation
Les « voisins du canal » sont également honorés par le groupe burundais de demandeurs d’asile présents : ils ont en effet bénéficié d’un soutien important, tant sur le plan moral qu’en termes de nourriture, de tentes, etc.