Chacun a droit à un logement décent – rapport de samedi 4 mai 2024

Auteur: S. Geldof —

L’article 3 du Code du logement de Bruxelles stipule que : « TOUTE PERSONNE A DROIT A UN LOGEMENT DÉCENT ».

et pourtant, dans la pratique, ce droit n’est pas respecté pour certains groupes, également appelés les « invisibles » : les sans-papiers, les personnes sortant de prison, les personnes expulsées de leur logement. Ils sont venus témoigner de leurs expériences. Un représentant du Rassemblement Bruxellois pour le Droit à l’Habitat (RBDH) était également présent et a réagi.

La Voix des Sans Papiers (VSP) se bat depuis 10 ans pour les droits du premier groupe cible. Les personnes dont la demande d’asile a été refusée n’ont aucun droit : si elles sont lésées, elles ne peuvent pas aller à la police, par exemple. Ce qui les rend évidemment très vulnérables. Et pourtant… depuis la loi Onkelinx de ’93, les communes peuvent réquisitionner des bâtiments vides pour y installer des sans-abri, ce qui est malheureusement rarement le cas. En 10 ans d’existence, VSP a déjà occupé 23 bâtiments, où ils sont à chaque fois expulsés. Pour eux, la régularisation basée sur des critères clairs et permanents est la solution pour sortir de cette situation intenable.

Rock in Squat est un autre collectif qui regroupe une centaine de sans-papiers, dont beaucoup de femmes seules et d’enfants. Ils forment un groupe hétérogène, ce qui fait leur force, expliquent Rim, Nezha et Emmerance. Actuellement, avec le soutien de la municipalité, ils sont hébergés dans un bâtiment de la Kroonlaan, mais ils devront bientôt céder la place à un centre d’accueil de Fedasil. Pour eux aussi, les expulsions et l’absence d’ancrage pèsent très lourd, tant sur le plan pratique (perte de papiers importants, par exemple) que sur le plan mental (les enfants sont arrachés à leur contexte scolaire). Ils demandent une solution durable, de la compassion de la part du peuple belge.

Loïc Manche, du Rassemblement Bruxellois pour le Droit à l’Habitat (RBDH), reconnaît que la loi Onkelinx fournit déjà le cadre juridique pour faire valoir le droit au logement et que la régularisation apporterait une solution durable.

Philippe Defeyt est cofondateur de la Plateforme Sortants de Prison, une asbl qui accompagne les sortants de prison dans leur recherche de logement, entre autres. Certains ont heureusement un réseau auquel ils peuvent s’adresser, d’autres pas du tout. Ils constatent dans la pratique que le système pénitentiaire actuel ne les prépare pas vraiment à cette situation. Souvent, ils n’ont pas de carte d’identité valide, on ne leur donne des médicaments que pour trois jours, et il n’est souvent pas clair, jusqu’au dernier moment, si quelqu’un peut être libéré plus tôt. La plateforme dispose de 4 à 5 logements pour l’hébergement temporaire et de 6 bénévoles. L’accompagnement commence idéalement un an à l’avance, afin de pouvoir se faire une idée des besoins de la personne. Plus précisément, ils les guident dans des questions pratiques telles que la signature de contrats avec des fournisseurs et l’accomplissement d’autres démarches administratives. Leur approche est toujours complémentaire aux autres formes d’assistance existantes.

Ils constatent surtout qu’il y a une pénurie de logements pour 1 personne – en effet, après une longue vie en communauté, ils ont envie d’avoir leur propre espace. Il y a une grande pénurie sur le marché et parfois des restrictions supplémentaires s’appliquent à ce groupe cible. Le soutien moral et humain que les bénévoles apportent est inestimable pour la réintégration dans la société !

Tam Blodiau du Front Anti-expulsions nous apprend qu’il existe 3 types d’expulsions : (1) les expulsions judiciaires (11 par jour à Bruxelles) pour arriérés de loyer (2) les expulsions administratives pour non-conformité du logement (3) les résiliations de bail pour cause de rénovation, après quoi le loyer double, voire triple, le rendant de facto inaccessible la personne qui y vivait. Les personnes expulsées peuvent être considérées comme des victimes de violences, c’est très radical, surtout si on est seul. Elles subissent également une forme de violence au tribunal, dans la manière dont elles sont traitées ou décrites. Le Front plaide donc contre les expulsions sans relogement (il faut en moyenne 11 mois pour qu’une personne retrouve un logement stable). Il rappelle également que la part des logements sociaux en Belgique est très inférieure à celle des pays voisins : 7 % contre 18 % en France (où l’on parle de crise) et 30 % aux Pays-Bas. Peut-on, en tant que société, tolérer qu’un droit fondamental comme celui au logement soit de facto dicté par le marché privé ?

De nombreuses personnes ne peuvent plus payer leur loyer. Loïc du RBDH fait référence à la grille des loyers de référence, qui indique si un bien est loué à un prix acceptable. Cependant, celle-ci est établie sur base des loyers effectifs et reflète donc le marché plutôt que de fixer une ligne directrice. Ils demandent une mesure plus correcte (qui ne soit pas dictée par l’offre et la demande). Ils notent également que, dans la jurisprudence relative aux litiges locatifs, il y a moins d’équilibre entre les parties que, par exemple, dans les tribunaux du travail où l’employé et l’employeur sont sur un pied d’égalité.

Lors de la séance de questions, il est suggéré de combiner les luttes sur les différents fronts afin qu’elles se renforcent mutuellement. Notre système social n’est pas vraiment en phase avec la réalité et, dans de nombreux domaines, il est même dysfonctionnel. Il est nécessaire de défendre les droits des invisibles de façon globale. En effet, cette rencontre a donné un aperçu clair du vécu des personnes impliquées et des pistes d’amélioration possibles.

 

Ensuite, tout le monde a pu rejoindre la longue table pour déguster une bonne soupe fraîche, du pain et des garnitures. Les personnes avec ou sans papiers rassemblées autour de la même table, pouvaient échanger leurs impressions et leurs idées.

 

Chacun compte! Compte rendu du 2/3/2023

Auteur: L. Valgaeren —

Le samedi 2 mars a eu lieu la première d’une série de « rencontres » sur le thème de la « Connexion », plus précisément sur le slogan « Parce que tout le monde compte ! L’extrême droite, non merci !

Mark Michiels, coördinateur de Louis-Paul Boon-kring

qui est également actif à Bruxelles, a commencé par donner un bref aperçu de la campagne autour de l’extrême droite. Celle-ci remonte à la fin des années 1990, lorsque le Vlaams Blok s’est fait connaître en présentant la candidature du commissaire De Mol, de Schaerbeek, à Bruxelles. Ce fait a alors déclenché une action de la part de quelque 250 associations qui ont déposé des journaux contre le Vlaams Blok dans les boîtes aux lettres de Bruxelles.

Entre-temps, nous sommes en mars 2024 et le Vlaams Belang atteindrait 28% des électeurs selon de récents sondages. Cette perspective, entre autres, a incité plusieurs organisations à lancer une campagne intitulée « Het verborgen gelaat » (La face cachée). Cette campagne vise à sensibiliser le public aux objectifs cachés de l’extrême droite et à inciter les électeurs à ne pas voter pour les partis extrêmes à l’automne.

Mark Michiels a évoqué, à titre d’exemple, les décisions politiques prises récemment par le gouvernement Meloni en Italie, qui menacent clairement la démocratie dans ce pays et, en particulier, les droits des personnes qui y sont déjà en difficulté.

Si nous ne voulons pas laisser les choses aller aussi loin chez nous et ne pas pousser encore plus dans l’abîme les personnes qui doivent déjà vivre dans des conditions difficiles (par exemple en matière de logement, d’énergie, de travail, de soins de santé), il est urgent d’agir.

Le modèle préconisé par la campagne « La face cachée » est le dialogue : se parler, s’écouter, réfléchir ensemble et éventuellement agir. Pour ce faire, toutes sortes de supports ont été créés, comme un journal, un programme de formation de deux matinées dans différents lieux, un jeu de société et divers projets culturels sont mis en place, notamment avec des poètes.

Le jeu de société a été spécialement conçu pour engager le dialogue avec des personnes ayant des opinions différentes et, dans la mesure du possible, pour faire bouger les choses ensemble. En fait, le jeu a été brièvement testé avec les participants et a donné l’animosité nécessaire à l’événement.

 

Christijn Terlingen, coördinateur de Hart Boven Hard  a présenté ce mouvement. Il se présente depuis 2014 comme un mouvement du peuple, par le peuple et pour le peuple, comme une démocratie de base en quelque sorte. Elle affirme clairement que les choses peuvent être faites différemment dans notre société que par des politiques radicales ou de droite, mais souligne explicitement que cela doit être fait principalement au niveau local et par étapes.

Christijn a répondu par des exemples concrets d’actions locales (prévues), soulignant l’importance d’élargir la lutte sociale, y compris au niveau parlementaire, de faire appel à la créativité des personnes et des associations et de se concentrer sur la diversité du public cible, sans oublier les réfugiés.

Des actions clé de la campagne ‘Het Groot verzet’  (la Grande résistance) : de grandes manifestations, les « actions triangle rouge » (par analogie avec le triangle rouge que certains groupes devaient arborer sous le régime nazi parce qu’ils sortaient des normes sociales dominantes) et le recrutement de « résistants », c’est-à-dire de personnes prêtes à agir contre la menace de l’extrémisme. Entre autres, une grande manifestation anti-discrimination aura lieu le 24 mars prochain à Bruxelles-Central. L’appel est donc aussi : soyez tous là !

Finalement, le livre de Marijke PersooneWiens belang‘ (l’intérêt de qui?) a été présenté, il donne un aperçu clair de certains thèmes clés du programme du parti Vlaams Belang, qui prétend défendre les gens comme vous et moi.  Vous trouverez des informations sur « l’État-providence », qui rédige le programme du parti, qu’est-ce que le « solidarisme », quelles sont les conséquences pour la société civile, etc. Quelles sont les conséquences pour la société civile ? Dans son livre, Persoone propose également de véritables alternatives sociales et donne des exemples de petits actes de résistance. . Il s’agit donc également d’une source d’information pour ceux qui souhaitent participer au débat sur l’extrême droite.

Pour conclure la réunion, une soupe chaude et un repas de pain ont été offerts, ce qui a été très apprécié par toutes les personnes présentes, d’autant plus qu’il ne faisait pas très chaud dans l’église. Encore un grand merci à tous ceux qui ont contribué, tant sur le plan du contenu que sur le plan pratique, à la réussite de cette rencontre !

 

En avant avec la lutte contre la pauvreté ! – compte rendu 3/2/2024

Auteur: L. Valgaeren —

Le samedi 3 février, une rencontre sur le thème « En avant avec la lutte contre la pauvreté ! » s’est déroulée chez House of Compassion. En raison des conditions météorologiques, nous avons déménagé à Het Anker, le restaurant social de la rue Marcq.

Trois orateurs inspirés sont intervenus, chacun nous entraînant à sa manière dans son combat contre la pauvreté.

Memorandum 2024

Christa Matthys (Plateforme Bruxelloise contre la pauvreté) – memorandum 2024 aux décideurs politiques

Elle a surtout parlé du mémorandum que la plate-forme publiera au printemps, en collaboration avec d’autres organisations. Ce document a été élaboré sur la base des contributions des personnes en situation de pauvreté. Ce mémorandum met en avant quatre « fers de lance » qui peuvent être considérés comme des éléments de leurs demandes :

  1. l’ancrage structurel de la participation à la politique des personnes en situation de pauvreté à tous les niveaux ;
  2. leur garantir des services de qualité, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, ceci dans un contexte de numérisation généralisée
  3. mieux réguler le marché locatif privé en a) adaptant les loyers aux revenus des locataires potentiels, b) empêchant la spéculation sur le marché locatif et c) luttant contre l’inoccupation ;
  4. réformer le « permis combiné » en l’orientant davantage vers les professions qui constituent un goulot d’étranglement sur le marché du travail, afin que davantage de personnes puissent ainsi obtenir un séjour légal, y compris en Belgique.

Etude sur les MENAS (mineurs étrangers non accompagnés)

Celine Graas  (Forum Bruxelles contre les inégalités)

Elle a résumé les résultats d’une « recherche-action collaborative » qu’elle a menée avec Lelubre Marjorie sur les réfugiés mineurs non accompagnés (NBMV) à Bruxelles. Dans ce type de recherche, les universitaires collaborent avec des personnes du milieu associatif et s’efforcent de transformer les recommandations en actions concrètes.

  1. Elle a qualifié les MENAS de « public errant » qui « erre » à la fois physiquement et psychologiquement et a fait valoir que même si l’on dispose d’un refuge, cela ne résout pas le problème de l’errance. Au contraire ! Selon Céline, il est illusoire d’aborder ce problème sans prendre en compte les besoins primaires de ces jeunes. En effet, ils ont des besoins multiples et imbriqués auxquels la prise en charge doit s’adapter (et non l’inverse !).
  2. Commentant l’offre disponible en Région bruxelloise, elle a soutenu qu’il est essentiel d’entamer une réflexion sur l’accessibilité réelle des différents services et de travailler davantage sur des conditions d’accès à bas seuil et plus flexibles.
  3. Troisièmement, elle a appelé à l’ouverture d’un centre d’hébergement spécial pour les MENAS sans-abri, un centre qui pourrait servir de tampon entre la rue et le réseau de soins plus large, qui pourrait être un lieu d’attachement ou de confiance et un point d’information pour les professionnels et pour les jeunes eux-mêmes

En outre, Céline est impliquée dans un projet d’ouverture d’un tel refuge.

Droits et reconnaissance des sans-abris

Filip Keymeulen (Diognes vzw) est travailleur de rue et l’auteur du livre ‘Alhambra‘ (en néerlandais) ou ‘Coupés du monde‘ (en français).

Pour commencer, il a brièvement décrit DIOGENES, l’organisation pour laquelle il travaille depuis de nombreuses années, et les personnes qu’il rencontre dans le cadre de son travail : ¾ d’entre elles ont un problème d’addiction, 30 à 40 % vivent dans une situation de précarité mentale.

Pour lui, les points douloureux sont principalement les suivants:

  1. Le non-respect du droit « d’être là où l’on est » et de se déplacer librement dans les espaces publics. En d’autres termes, les sans-abri sont ciblés par les forces de l’ordre, notamment par l’interdiction de l’alcool dans les espaces publics et par les amendes de gaz de toutes sortes. En conséquence, ils ne savent pas (plus) où ils peuvent (alors) aller.
  2. La fermeture – de plus en plus fréquente – de services spécifiques pour toxicomanes ou alcooliques dans les hôpitaux bruxellois et les longs délais d’attente pour certains traitements.
  3. Le cynisme rampant dans l’opinion publique – y compris dans les médias ! – dans la manière de penser et de parler des sans-abri et comment cela ajoute en fait à la souffrance individuelle à Bruxelles.

Filip a également mentionné brièvement les comités de quartier dans ce contexte. Conçus comme une forme de participation citoyenne, ces comités présentent toutefois des inégalités ou des déséquilibres. Cela est dû en partie à leur composition : les plus vulnérables, comme les travailleurs du sexe ou les toxicomanes, sont sous-représentés et n’ont donc pas l’occasion de s’attaquer à leurs problèmes « partagés ou communs ».

Sa conclusion générale est la suivante : il y a un sérieux « durcissement » dans l’accessibilité des services publics (CPAS ou hôpitaux) et des initiatives privées (associations de toutes sortes) et, entre autres, à cause de la politique menée autour du statut de résident, « de plus en plus de gens sont détruits à Bruxelles »…

 

Après les interventions, les participants ont eu l’occasion de poser des questions et certains d’entre eux ont fait part de leurs propres expériences en rapport avec les sujets abordés. Ensuite, il y a eu une soupe chaude avec du pain et des sous-entendus, offerts par les employés du HoC, pour lesquels nous les remercions !

 

 

Occasion unique pour échanger avec des réalisateurs de film et de théâtre

Lundi prochain, nous recevons les célèbres réalisateurs de film et de théâtre Michael De Cock et Dorothée Van Den Berghe: une occasion unique pour échanger en direct avec eux.

Si, comme moi, vous rêvez d’une pièce de théâtre sur l’occupation de l’église du Béguinage ou d’un film ou roman sur la lutte des sans-papiers, venez à House of Compassion lundi. Qui sait, ensemble nous pourrons peut-être donner des idées à ces deux personnes magnifiques.

Michael De Cock
En tant que journaliste, Michael De Cock a un jour séjourné dans l’église du béguinage de Bruxelles pour mieux connaître la réalité des sans-papiers. « Ils ne profitent pas de nous, mais nous profitons d’eux », titrait-il à l’époque dans Knack. Son engagement franc s’est ensuite reflété dans son travail artistique. Par exemple, il a fait une tournée en Europe avec une pièce sur les réfugiés dans laquelle il enfermait le public dans un camion. Sous son impulsion en tant que directeur artistique, le Koninklijke Vlaamse Schouwburg (KVS) a programmé des pièces pionnières comme « Mawda« , sur le bambin belge mort d’une balle de la police. C’est également sous son administration que le KVS a pris une orientation claire en accordant plus de place aux minorités, tant dans le public que sur scène. « Seule l’imagination peut nous sauver », estime Michael De Cock, et c’est ce qu’il essaie de faire avec son art.

Dorothée Van Den Berghe
Dorothée Van Den Berghe est une réalisatrice et scénariste bruxelloise. Son travail témoigne également d’un engagement social prononcé. Par exemple, elle a vécu pendant un certain temps dans un squat aux Pays-Bas, une expérience qui l’a inspirée pour le film My Queen Karo. Son film le plus connu, Meisje (fille), a reçu plusieurs prix et nominations.

> Inscrivez-vous dès maintenant à la projection du film Aller/retour suivie par un échange avec Michael De Cock et Dorothée Van Den Berghe : www.houseofcompassion.be/inscription

Vêtements propres – rapport samedi 6/5/2023

Auteur : S. Geldof —

De mai à juin, la Maison de la Compassion se concentre sur l’esclavage contemporain. Au cours de cette veillée, nous nous concentrons sur les conditions de travail dans le secteur textile. 

L’effondrement de l’immeuble Rana Plaza au Bangladesh, dans lequel 1134 ouvriers du textile ont perdu la vie, remonte à 10 ans. Qu’est-ce qui a changé sur le terrain depuis lors ? Et où les choses continuent-elles de mal tourner aujourd’hui ? Et comment pouvons-nous, en tant que consommateurs et organisations du milieu, faire la différence pour améliorer les conditions de travail ?

 

Rana Plaza … plus jamais ça ?

Sanna Abdessalem
Coordinatrice achACT
Plus d’information : achacteurs@achact.be

AchACT est l’homologue de la Schone Kleren Campagne, tous deux membres de ‘Clean Clothes Campaign’, le réseau international d’organisations œuvrant pour les droits des travailleurs de l’habillement dans le monde entier.

À l’occasion du 10e anniversaire de la catastrophe du Rana Plaza au Bangladesh (où 1 138 personnes ont perdu la vie et 2 500 ont été gravement blessées dans l’effondrement d’une usine de confection), les deux organisations ont mené une action dans la rue Neuve à Bruxelles.  

En effet, cette catastrophe est un signe clair d’injustice dans le secteur de l’habillement : les gens travaillent pour un salaire indécent, dans des conditions dangeureuses, quasiment sans protection sociale et sans possibilité de faire valoir leurs droits fondamentaux. L’analyse de ce secteur révèle que le réseau complexe de sous-traitance permet aux donneurs d’ordre et aux bénéficiaires finaux d’échapper à leurs responsabilités.

Quelques observations clés de la catastrophe Rana Plaza: 

  • les travailleurs, principalement des femmes, travaillaient dans des conditions insalubres voire même dangereuses
  • malgré des signes clairs de danger d’effondrement, la plupart des femmes n’ont pas eu le choix de ne pas travailler – en raison de leurs revenus extrêmement faibles et la peur de perdre leur emploi
  • ces travailleurs n’étaient pas représentés par un syndicat 
  • il s’est avéré très difficile de prouver pour quels clients elles travaillaient (les étiquettes des marques de vêtements ont dû être récupérées dans les décombres). 32 marques ont pu être reliées aux usines du Rana Plaza, interpellées sur leur responsabilités, seules 12 ont confirmé s’approvisionner dans l’immeuble.

Que rapportent les campagnes et actions? 

  • il a fallu attendre deux ans de campagne et de mobilisations citoyenne et syndicale avant qu’une indemnisation ne soit versée aux victimes.. Un fonds a été créé, dont les contributions ont été versées sur base volontaire par certaines marques et grandes entreprises qui tirent pourtant d’importants profits de ce secteur. 
  • Suite à l’effondrement du Rana Plaza, un Accord contraignant inédit a vu le jour portant sur les enjeux de sécurité des usines. Aujourd’hui, l’Accord international pour la santé et la sécurité est signé par 195 entreprises, couvre 1500 usines soit 2 millions de travailleurs au Bangladesh, il vient d’être étendu au Pakistan.

Que pouvons-nous faire? 

  • Toutefois, cet Accord reste volontaire et de nombreuses enseignes refusent encore de le signer. Or, près de 4 millions de travailleurs produisent des vêtements au Bangladesh et plusieurs millions à travers le monde. Les efforts de pression restent nécessaires pour que les entreprises s’engagent et respectent les droits des travailleurs. (lisez ici l’info sur comment augmenter la pression.

Les organisations de Clean Clothes Campaign luttent, entre autres, pour une meilleure traçabilité de la responsabilité des entreprises donneuses d’ordre dans ce secteur, notamment en sensibilisant la population, mais aussi en faisant pression sur les entreprises et sur les décideurs politiques pour une meilleure législation contraignant sur le devoir de vigilance.

Législation concernant toute la chaîne de production 

Laura Eliaerts
Chargée de mission au service international ACV
Plus d’information : laura.eliaerts@acv-csc.be

À l’aide de quelques exemples, Laura a souligné qu’il n’y a pas que dans le secteur de l’habillement que le réseau complexe de sous-traitance fait qu’il est très difficile de tenir les entreprises pour responsables, ce qui entraîne l’exploitation et les violations des droits de l’homme : voir par exemple le récent accident sur le chantier d’une école à Anvers ; Tesla, Apple, Microsoft, Dell et d’autres ont été poursuivis en justice par des familles congolaises concernant l’exploitation du lithium ; Borealis ; Delta du Niger : Shell (pollution de l’habitat des populations indigènes). Parfois, des résultats encourageants sont obtenus, par exemple lorsqu’un tribunal ne se contente pas de tenir la filiale locale d’une multinationale pour responsable, mais exige que la société mère garantisse des mesures préventives en matière d’environnement et de droits de l’homme. 

Le concept du devoir de vigilance (Human Rights Due Diligence) est bien développé et impose à l’entreprise d’être vigilante dans tous les aspects de ses activités et de tout mettre en œuvre pour respecter les droits de l’homme. Cela signifie aussi, par exemple, que dans les négociations commerciales, elle doit veiller à ce que la production soit rémunérée équitablement. 

Des lois locales (fédérales) et internationales (européennes) sont en cours d’élaboration, et des groupes d’intérêt tels qu’ACV appellent les législateurs à légiférer de façon effective. Le débat au Parlement fédéral, par exemple, est au point mort depuis un certain temps, depuis le projet de loi 2021… 

On observe également que certaines entreprises lancent des initiatives caritatives sous la bannière de la « responsabilité sociale des entreprises (RSE) » qui, toutefois, ne contribuent pas à s’attaquer aux causes profondes de la pauvreté et de l’injustice. 

Les citoyens peuvent-ils aussi faire quelque chose ? 

L’ACV reconnaît certes le pouvoir d’orientation des consommateurs, mais elle croit surtout à l’impact d’un meilleur cadre législatif. Il veut également éviter que les entreprises, si la législation d’un pays devient plus stricte, ne cherchent simplement leurs fournisseurs dans un autre pays.

Extrait du débat: 

  • la législation se concentre sur les entreprises, mais quelle est la responsabilité des autorités publiques? l’exigence de respect de la chaîne peut être intégrée dans des règles de plus en plus strictes en matière de marchés publics
  • pourquoi y a-t-il encore si peu de progrès, alors que cette question a été soulevée il y a 25 ans ? grâce à une analyse systémique de cette question complexe, d’autres leviers de changement peuvent également être identifiés. Voir Meadows, D. (2015) Thinking in Systems Les 12 leviers de changement sont classés en fonction de leur efficacité, les paramètres d’intervention et la réforme des structures apparaissant plutôt en fin de liste. 
  • La solidarité des travailleurs en Europe peut-elle également contribuer au changement ?
    • En effet, le modèle de la « fast fashion » est de plus en plus remis en question dans le monde des affaires (par exemple au sein des conseils d’administration).
    • lors de la manifestation du 23/4 rue Neuve, un employé d’une entreprise belge a appelé à plus de solidarité avec les collègues étrangers
  • Le prix de revient d’un vêtement n’est-il pas un indicateur du caractère équitable ou non des salaires de ceux qui l’ont fabriqué ? 
    • Le faible prix de revient suggère en effet que des salaires trop bas le rendent possible, mais inversement, il n’est pas vrai qu’un vêtement plus cher garantisse qu’un salaire correct a été payé.
    • la part du prix de revient consacrée à la production est généralement très limitée (moins de 1 %) 

Vous trouverez plus d’informations et d’inspiration dans la brochure  » Mettre fin aux violations des droits de l’homme par les entreprises” – WSM 2019 

Des questions concrètes sur une marque ? voir Fashion Checker 

Découvrez notre rapport annuel

Pendant notre Assemblée Générale de la semaine passée, le rapport annuel de 2022 a été présenté. Vous pouvez le découvrir ici:

Vous n’aviez pas encore vu le rapport annuel précédent? Consultez-le ici:

 

La crise de l’accueil – rapport samedi 1/4/2023

Auteur: Sabine Geldof —

La crise de l’accueil, tout le monde y est confronté d’une manière ou d’une autre, à Bruxelles, en Belgique, mais elle fait rage dans toute l’Europe. Mais de quoi s’agit-il ? Que se passe-t-il réellement ? Qui apporte quelles solutions ? Au cours de cette veillée, nous avons recueilli des témoignages et des experts nous ont expliqué les faits et le contexte.

La crise de l’accueil au niveau national 

Thomas Willekens
Chargé de mission Vluchtelingenwerk Vlaanderen

Intention vs réalité

Les idées -cléfs de l’accord de coalition concernant les demandes d’asile sont les suivantes :

  • une procédure correcte doit être appliquée
    un accueil de qualité doit être offert aux demandeurs d’asile.

Cependant, la réalité est très différente.

Thomas retrace la chronologie, depuis les premiers signaux d’alarme, la dégradation progressive de la situation, jusqu’à la condamnation de Fedasil et de l’État belge et les mesures prises pour y remédier.

La condamnation est claire : il y a suffisamment de preuves que des personnes sont empêchées de demander l’asile.

L’État belge est tenu de fournir un hébergement aux personnes souhaitant demander l’asile. Par manque de capacité, toutes les personnes qui veulent demander l’asile ne peuvent pas être hébergées et le critère pour déterminer qui est considéré comme un groupe cible « vulnérable » devient chaque fois plus strict, et de plus en plus de demandeurs d’asile sont laissés dans le froid, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas exercer leur droit de demander l’asile et d’être hébergés dignement pendant l’attente.

Par exemple, lorsque le réseau de foyers pour jeunes est saturé, la limite d’âge est abaissée, les jeunes doivent prouver qu’ils n’ont pas encore 16 ans pour être éligibles, ils reçoivent un certificat leur indiquant qu’ils doivent demander une vérification de l’âge, que le service de « tutelle » ne veut pas effectuer pour des raisons contraires à l’éthique. Ces jeunes sont donc dans une impasse.

Ensuite, les jeunes de 16 à 18 ans, les mères célibataires et les couples sans enfants sont également considérés comme « non vulnérables ».

Lorsque le gouvernement fédéral ne remplit pas sa mission, la société civile et les bénévoles tentent de trouver des solutions (par exemple, des tentes en carton), qui sont à leur tour qualifiées de contraires à l’éthique par le gouvernement local (maire), « nettoyées » et renvoyées à un autre niveau politique.

Pourtant, les politiciens continuent à se consulter et à chercher des solutions. Entre les lignes de l’accord sur la migration (mars 2023), on peut lire « nous n’avons pas encore de solution à court terme, mais à long terme, tout ira bien ».

Causes et conséquences de cette crise

Pas

  • le nombre élevé de demandes d’asile (voir également l’arrêt de la Cour : « cette fluctuation est prévisible, il faut s’y préparer »)
  • les demandeurs d’asile qui poursuivent leur voyage : ils ont également le droit d’être accueillis jusqu’au moment du transfert vers le pays de destination finale
  • ils ont également le droit de prendre d’autres mesures après un avis négatif.

Bien 

  • yo-yo politique
  • la durée de la procédure (délai moyen de traitement : 350 jours, parfois 2 ans d’attente pour un deuxième entretien)
  • manque de coopération politique : Fedasil est obligé de travailler en mode crise depuis un an déjà – ce qui pourrait être évité par des solutions attrape-tout efficaces.

Des places supplémentaires sont créées et des ressources supplémentaires sont déployées, mais elles sont toujours inférieures aux propositions et insuffisantes par rapport aux besoins. De plus, il n’y a pas de véritable répartition sur le territoire ; les 1250 initiatives locales proposées dépendent de la bonne volonté des CPAS et des gouvernements locaux.

Conséquences:

  • en vue des élections de 2024, il est important de présenter une image positive de la migration : le gouvernement pourrait démontrer qu’il est possible de mettre en œuvre de bonnes politiques
  • la société civile est plus unie que jamais.

La crise de l’accueil au niveau Européen 

Cecile Vanderstappen
Chargée de recherche CNCD-11.11.11

Quelle est la politique d’accueil de l’Europe ?

Une explication de l’évolution des politiques d’accueil en Europe éclaire les fondements des politiques d’accueil actuelles.

Jusqu’en 1970, les migrations étaient fluides, les personnes avaient différentes options pour migrer vers un autre pays, il y avait moins de contrôle.

Avec l’introduction de l’espace Schengen (1995), l’idée est apparue que les frontières extérieures de l’Europe devaient être protégées et contrôlées (au profit de la libre circulation dans les pays de l’espace Schengen) et Frontex, l’agence européenne qui surveille les frontières extérieures, s’est donc mise en place. Entre-temps, cette agence s’est transformée en une agence militaire dotée de budgets colossaux (certainement par rapport au budget consacré à l’asile ou à l’intégration) qui, désormais, capture et analyse également de nombreuses données (personnelles) en fonction des analyses de risque, et agit également bien au-delà des frontières de l’Europe, au plus près des pays d’origine.

La guerre en Syrie (2015) a fait comprendre qu’il est de plus en plus difficile d’arrêter les gens aux frontières extérieures de l’Europe. Les populations incitent les pays d’origine à rendre plus difficile le départ de leurs habitants. Plus précisément, cette politique d’externalisation consiste à empêcher la migration par des flux d’argent et des accords (« accords-marchands »).

L’accord de Dublin (Dublin III en vigueur depuis 2014), qui détermine quel pays est responsable du traitement des demandes d’asile, a pour effet de créer des goulets d’étranglement (‘hotspots’) dans les pays où les migrants arrivent en premier (par exemple, la Grèce et l’Italie). Pour réduire ces goulets d’étranglement, les autres pays peuvent examiner les demandes d’asile qui y sont déposées et isoler celles qui contiennent le plus de chances d’obtenir l’asile. Cela implique la détention (des demandeurs), le triage et éventuellement l’expulsion lorsque la probabilité de réussite de la demande est jugée faible. Il ne s’agit donc pas d’une application légitime du droit d’asile.

Cette évolution vers une volonté d’accueil de moins en moins grande et une violation de plus en plus grande des droits de l’homme est également approuvée par le pacte européen sur les migrations (2020) :

  • externalisation
  • contrôle aux frontières
  • contrôle dans le pays d’arrivée
  • solidarité flexible (vs solidarité imposée)

En lisant l’analyse complète du pacte, on peut légitimement se demander s’il correspond aux valeurs chères à l’Union européenne.

Cependant,

  •  Non, nous n’accueillons pas toute la misère du monde: les chiffres montrent que l’Europe n’accueille qu’une infime partie des 100 millions de personnes en fuite, et que d’autres pays voisins en accueillent beaucoup plus, en tenant compte également de leur propre PNB.
  • L’exemple de l’accueil des réfugiés ukrainiens est un bon exemple d’accueil :
    • dispersion sur le territoire
    • intégration par l’autonomisation – le migrant a la possibilité d’être éduqué, de travailler – contrairement aux migrants d’autres pays qui restent passifs, doivent attendre une décision (sans fin)

Quelle serait la base d’un politique d’accueil positive

  • le respect du droit international pour demander l’asile
  • l’évaluation de la demande d’asile sur la base du récit personnel (et non du pays d’origine)
  • la suppression de l’examen dans le pays d’arrivée, qui n’offre aucune possibilité de contester une décision
  • cohérence de la politique européenne
    • répartition imposée sur le territoire
    • pas de politiques qui provoquent des flux migratoires dans d’autres régions également : par exemple, l’épuisement des stocks de poissons africains, l’occupation de terres agricoles outre-mer en fonction de la mobilité verte (biocarburant)
    • permettre des voies légales de migration (par exemple via le permis unique) qui font mieux correspondre le besoin de certains types de travail avec le désir de migrer

Ces deux derniers points sont indissociables et ne peuvent être suffisamment soulignés.

Comment les citoyens peuvent-ils contribuer à un accueil plus humain? 

Riet Dhondt
co-fondatrice de  Amitié sans frontières

De nouvelles formes de solidarité émergent de la réalité du terrain, suite aux mesures (prises par les autorités)

actions concrètes :

  • depuis le 10/8/2015, un petit déjeuner est offert tous les matins à l’office des étrangers – Pacheco
  • préparation de 1 200 kits d’hygiène pour les personnes sans abri
  • visite de camps de réfugiés au Liban (un pays dont la population représente la moitié de celle de la Belgique et qui accueille 2 millions de réfugiés !) et en Guynée (un pays très riche en ressources et qui connaît pourtant une forte migration)
  • nettoyage des toilettes de l’immeuble de la rue des Palais avec des parlementaires.

à venir:

  • 15/4 : Repas du Ramadan dans un centre d’accueil
  • 24/6 : Journée internationale des réfugiés : formation

Les « voisins du canal » sont également honorés par le groupe burundais de demandeurs d’asile présents :  ils ont en effet bénéficié d’un soutien important, tant sur le plan moral qu’en termes de nourriture, de tentes, etc.

Appel – Des cintres, des t-shirts et des chemises recherchés

Une nouvelle exposition débutera bientôt à House of Compassion. Elle aura pour thème « Des vêtements propres ». Nous mettrons en lumière les progrès mais aussi les problèmes persistants de l’industrie de l’habillement, suite au 10e anniversaire de l’effondrement de l’usine textile du Rana Plaza au Bangladesh.

Pour rendre l’exposition vivante et parlante, nous recherchons des cintres, des t-shirts et des chemises. Nous demandons à tous ceux qui peuvent se passer de cintres, de t-shirts ou de chemises de les apporter à l’église du Béguinage. Vous pouvez déposer les articles à la réception. Mathieu Peeters, qui monte l’exposition, en fera une belle installation.

Ensuite, le matériel sera donné à une organisation humanitaire.

Week-end solidaire avec les réfugiés du pont au Petit Château

Le week-end de solidarité du week-end dernier a été un beau succès. Samedi soir, une veillée a eu lieu sur le pont, organisée par des voisins vivant autour du Petit Château. La nuit, les voisins ont dormi dehors sous une tente, en solidarité avec les réfugiés qui vivent là depuis des mois. Le dimanche, il y a eu un petit défilé et un brunch « Amitié sans frontières », où plusieurs orateurs ont pris la parole.

Les organisateurs ont atteint leur objectif. La crise de l’accueil a de nouveau fait l’objet d’une couverture médiatique. Voici quelques liens :

Petit Château : les riverains passent la nuit aux côtés des demandeurs d’asile

https://radio1.be/luister/select/de-ochtend/buurtbewoners-brengen-nacht-door-op-straat-in-solidariteit-met-asielzoekers-wij-geloven-nicole-de-moor-niet-meer?fbclid=IwAR1WYi2QIIWoLFZ5SBUY_sKGsHFZ-7zMyk_eetla1PHuMDyXRKpbUU-xOOQ

https://www.rtbf.be/article/en-soutien-aux-demandeurs-dasile-les-riverains-installent-leurs-tentes-devant-le-petit-chateau-11147720?fbclid=IwAR0JSyF0g6cXY14HV5ZTNpMOIuQSYs6AjP-p1aCIM7HL4w3qjBZk6OKB51c

https://www.bruzz.be/samenleving/buurtbewoners-klein-kasteeltje-brengen-nacht-tenten-door-bij-asielzoekers-2023-02-04

https://www.bruzz.be/videoreeks/maandag-6-november-2023/video-solidariteitsbrunch-voor-vluchtelingen-we-wilden-een

https://www.rtl.be/page-videos/belgique/faits-divers/des-habitants-vont-loger-sous-tente-devant-le-petit-chateau-avec-les-migrants/2023-02-04/video/521934

https://www.rtl.be/page-videos/belgique/politique/des-riverains-passent-une-nuit-en-tente-avec-des-refugies-devant-le-petit/2023-02-05/video/522038

https://www.rtl.be/actu/regions/bruxelles/cest-horrible-quand-tu-penses-que-ca-fait-des-mois-quils-dorment-comme-ca/2023-02-05/article/522035

La désobéissance civile, est-elle appropriée au chefs religieux?

Le prêtre Daniel Alliët est l’invité de Kerk & Leven cette semaine. Ils lui posent la question suivante : les actes de désobéissance civile sont ils appropriés aux chefs religieux ?

Lisez le texte intégral ci-dessous.

Daniel Alliet

Prêtre à Bruxelles, défendant notamment les sans-papiers

« Les autorités religieuses encouragent-elles la désobéissance civile ? Quelle sera la prochaine étape ? Verrons-nous des hommes en soutane et en col romain jeter de la soupe sur les tableaux des musées ou bloquer l’accès aux autoroutes ? » C’est ce qu’affirme avec défi le média français La Croix dans son édition du 2 décembre 2022, après qu’un groupe remarquable de militants – un rabbin, un évêque catholique, un ministre protestant, un imam et un moine bouddhiste – ait participé à l’occupation d’une station-service pour protester contre un projet pétrolier de TotalEnergies en Ouganda et en Tanzanie.

En général, une société a besoin de règles et vous devez vous y conformer. « La loi (fondamentale) n’est pas un bout de papier », s’est exclamé un jour Leo Tindemans. Cependant, est-il vrai que dans une démocratie, tout le monde devrait toujours obéir à la loi ? Si tel était le cas, nous ne serions pas là où nous sommes aujourd’hui. Le droit de vote des femmes est né de la « désobéissance » à l’autorité masculine – allant jusqu’à une grève de la faim – d’un groupe de femmes anglaises. L’esclavage n’a été aboli que par des soulèvements (illégaux). Le droit de grève a suivi les grèves « illégales ». Pensez aux actions du prêtre Daens et des socialistes à la fin du XIXe siècle. Aux États-Unis, les Noirs n’ont obtenu leurs droits civils qu’après de nombreuses actions « illégales », en premier lieu celles de Rosa Parks. Les Indiens n’ont obtenu le juste prix du sel qu’après la marche massive et illégale de Gandhi et des centaines de milliers de pauvres « désobéissants civils ».

On pourrait dire que tous ces « désobéisseurs civils » se sont battus pour des règles plus justes. Ils n’ont pas agi par intérêt personnel, pas par la force et seulement après que les moyens légaux ordinaires se soient avérés inadéquats. Avec beaucoup d’autres, la philosophe politique Hannah Arendt a soutenu qu’il est heureux que ces personnes soient là, car sans elles, la démocratie se sclérose, prend un retard désespéré sur les changements et les progrès de la connaissance, et risque de devenir extrêmement injuste, bref, le contraire de la démocratie.

Ainsi, Jésus a guéri le jour du sabbat, un acte indéniable de désobéissance civile et religieuse. De même, Greta Thunberg, alors âgée de presque 16 ans, n’a pas respecté l’obligation scolaire lorsqu’elle a décidé de se tenir devant le Parlement suédois tous les jours jusqu’aux élections de 2018 avec sa propre bannière « Skolstrejk for klimatet ». Et c’est ainsi qu’est née l’occupation de cette station-service contre la tragédie de TotalEnergies.

Et oui, cela incluait « ce quintet religieux ». Ce type de désobéissance civile est il approprié aux chefs religieux ? Et parfois, on ajoute si c’est « opportun ». Eh bien, le philosophe grec Socrate a choisi de boire la coupe empoisonnée plutôt que de devoir suivre ce qu’il considérait comme des règles injustes. C’est un moine bouddhiste qui a été le premier à s’immoler publiquement par le feu contre la guerre américaine au Vietnam. Jésus guérissait le jour du sabbat – un acte indubitable de désobéissance civile et religieuse, qui a contribué à sa condamnation et à sa crucifixion. Dans son sillage, de nombreux chrétiens ont refusé d’adorer l’empereur comme un dieu.

Plus proche de notre époque, il y a l’exemple d’un évêque belge qui s’est coopté contre l’invasion américaine de l’Irak en 2003 et a accueilli 20 femmes sans-papiers pour appeler à une autre politique de régularisation. Lorsque 100 personnes désespérées et prétendument « doublement illégales » ont occupé l’église du Béguinage à Bruxelles pendant la crise de Corona, la paroisse ne les a pas dénoncées. Même le grand rabbin, un imam et des représentants du libéralisme les ont ouvertement soutenus.

Alors, de telles actions sont-elles inappropriées ou inconvenantes ? Certes, personne n’a le monopole de la vérité et on court toujours le risque de défendre un point de vue erroné. Cela n’enlève rien au fait que chaque être humain a sa propre conscience et que ne pas (oser) agir non plus n’est en aucun cas un choix neutre. Cela vaut également pour les chefs religieux qui, dans certaines circonstances, peuvent juger qu’ils doivent agir, en tant qu’êtres humains et en tant que citoyens, mais qui peuvent aussi se sentir davantage motivés par leur foi.